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"RA HACHIRI"
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"RA HACHIRI"
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27 juillet 2006

ISLAMISATION DES COMORES

L’histoire de Mayotte est inséparable de celle de l’archipel des Comores dont elle fait géographiquement partie (mais pas politiquement). Le premier peuplement de l'archipel s'est produit dans la seconde moitié du premier millénaire à partir de l'Afrique bantoue (moitié sud). Entre le VIIe et le XIIe siècle, des Austronésiens, qui contribuèrent au peuplement de l’île de Madagascar, sont passés par les Comores, mais ne s’y sont pas établis.

Puis, au XIIe siècle, les Arabo-Shiraziens — le terme Shiraz désigne le golfe Persique —, des groupes islamisés métissés (Arabes et Iraniens), accompagnés de leurs esclaves, arrivèrent aux Comores et introduisirent la religion musulmane. L’islamisation s’imposa dans toutes les Comores; la première mosquée de pierre fut construite à Mayotte en 1566 dans la ville de Chingoni (qui s'appelle maintenant Tsingoni). Puis, les alliances politiques et matrimoniales des Arabo-Shiraziens avec les chefs comoriens entraînèrent un changement de l'organisation politique et la création de sultanats.

Vers le XVIIIe siècle, des Arabes originaires du Yémen, se déclarant les descendants du Prophète, s'allièrent aussi aux familles comoriennes nobles et contribuèrent ainsi à l'établissement de nouveaux lignages matrimoniaux, surtout à la Grande-Comore et à l’île d’Anjouan. C’est de cette époque que datent les documents écrits et les manuscrits en langue arabe, en swahili ou en comorien, le tout  présenté en alphabet arabe.

Les Malgaches et l’esclavage

C’est également au cours du XVIe siècle qu’un grand nombre de Malgaches sakalava s’établirent dans le sud de Mayotte. Dès cette période, coexistèrent dans l’île un peuplement arabo-shirazi au nord et un peuplement sakalava au sud, le tout sur fond d’origine africaine. C’est ce qui explique pourquoi les habitants de nombreux villages comoriens parlent encore aujourd'hui une langue malgache, notamment à Mayotte avec le sakalava et l’antalaotsi; ces langues appartiennent à la famille austronésienne. À partir du milieu du XVIIIe siècle, les quatre îles des Comores furent victimes de razzias organisées par des pirates malgaches. Ces incursions affaiblirent les îles et poussèrent les sultans locaux à rechercher la protection des grandes puissances de l’époque: la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne.

Entre le XVIe et le XIXe siècle, comme ce fut le cas un peu partout dans l’océan Indien et aux Antilles, l'archipel des Comores fut le théâtre du commerce des esclaves. Déjà, au XIIe siècle, les Arabo-Shiraziens pratiquaient l’esclavage et c’est d’ailleurs avec leurs esclaves qu’ils arrivèrent aux Comores.  Plus tard, les Européens allèrent chercher leur main-d’oeuvre sur la côte est du continent africain, notamment chez les Africains d’origine bantoue et les Malgaches.

Dans le décret d'abolition de l'esclavage du 27 avril 1848, l’article 3 mentionnait «l’île Mayotte et dépendances» au nombre des colonies concernées: 

En réalité, l'esclavage à l'île Mayotte était déjà aboli depuis une ordonnance du roi Louis-Philippe en date du 9 décembre 1846, laquelle était une suite du traité de cession de l'île du 25 avril 1841. Dans ce traité, il était prévu une disposition «considérant que l'extinction de l'esclavage à Mayotte est une des premières conséquences de l'occupation de cette île».

Après l'abolition officielle de l'esclavage, l'île Mayotte devint «le Far-West des Réunionnais déclassés» qui s'y installèrent et introduisirent le système des plantations coloniales en faisant appel à des travailleurs «engagés». En fait, les besoins de la main-d'oeuvre prirent simplement la forme d'un trafic d'engagés indiens et chinois sur les plantations. Certains historiens affirment même que les Réunionnais blancs immigrés à Mayotte poursuivirent l'esclavage sous la forme de l'engagement. Il n'est donc pas surprenant que les Réunionnais aient pris une part active à la lutte pour que Mayotte reste française en 1974-1975.

Le protectorat français 

L'intervention de la France dans les Comores (et à Mayotte) commença au milieu du XIXe siècle, alors que les quatre îles des Comores furent le théâtre de nombreuses guerres entre sultans locaux, ce qui leur valut le surnom de «îles des Sultans batailleurs». Fatigué des guerres incessantes qui ravageaient son pays, le sultan Adrian Tsouli céda Mayotte à la France en échange d'une aide militaire et... d'une rente annuelle de 1000 piastres (ou 5000 francs à l'époque) et l'éducation de ses enfants à La Réunion aux frais du gouvernement français. Dans le cadre du traité du 25 avril 1841, l'île passa juridiquement sous le protectorat français. En réalité, la marine française avait besoin d'un port important dans l'entrée du canal de Mozambique et le traité de 1841, présenté comme un banal traité commercial, était une vente forcée. C'était pour la France une question de stratégie: il fallait occuper le plus de territoires afin d'empêcher les Anglais et les Allemands de les acquérir. Le roi Louis-Philippe entérina cette acquisition en 1843.

Toutefois, les rivalités franco-britanniques dans l'océan Indien firent en sorte que les trois autres îles de l'archipel des Comores (Grande-Comore, Mohéli et Anjouan) demeurèrent plus ou moins indépendantes, bien que l'ensemble de l'archipel fût placé, cinq années plus tard, sous l'autorité du gouvernement colonial de Mayotte. L'ensemble de l'archipel (Grande-Comore, Mohéli, Anjouan), sauf Mayotte qui reste une colonie, tomba sous le protectorat français en 1886. En fait, tous les traités furent imposés par la France aux sultans locaux qui n'ont jamais eu le choix de résister. Le protectorat dura jusqu'en 1892, alors qu'il laissa place un peu plus tard à la colonie de «Mayotte et dépendances» rattachée par la loi du 25 juillet 1912 à l'île de Madagascar.

Le régime du protectorat supposait que la puissance coloniale envoyait un «résident» parlant uniquement français auprès des autorités locales et qu'il ne s'occupait en principe que de la politique extérieure. En fait, les «résidents» s'emparèrent progressivement du pouvoir, imposèrent la langue française et laissèrent les colons français déposséder entièrement les paysans de leurs terres, afin que ceux-ci vinssent se faire employer dans les plantations coloniales.

En 1890, un accord de partage intervint entre la France et la Grande-Bretagne: les Anglais obtenaient l'île de  Zanzibar (Tanzanie) en imposant l'anglais; les Français conservaient les Comores et Madagascar en imposant le français. Le rattachement juridique des trois autres îles à Mayotte s'effectua en 1904. Il fut suivi, le 9 avril 1908, d'un second décret rattachant officieusement Mayotte et ses dépendances à Madagascar. En 1912, le gouvernement français se résolut à coloniser le reste des Comores, afin de surveiller les pratiques douteuses des «résident» et des colons. La loi d'annexion du 25 juillet 1912 ne fit que confirmer ces décrets alors que Madagascar et les Comores (Ajouan, Mohéli, la Grande-Comore et Mayotte) devinrent une seule colonie française.

Après deux révoltes importantes (l'une en 1915 à la Grande-Comore, l'autre en 1940 à Anjouan), les Comores obtinrent en 1946 une autonomie administrative et la ville de Dzaoudzi fut choisie comme capitale du nouveau territoire. Ensuite, l'archipel devint autonome en 1946 et l'Assemblée territoriale des Comores choisit en 1958 le statut de territoire français d'outre-mer (TOM). Cependant, à Mayotte, 85 % des gens ont préféré, lors d'un référendum, le statut de département français d'outre-mer (DOM). Les Mahorais auraient développé certaines rancoeurs contre les anciens sultans d'Anjouan et contre les Arabo-Comoriens. Dans les faits, les Comores ne furent jamais traitées comme les autres territoires d'outre-mer, mais toujours comme une colonie.

En 1974, à l'issue d'un référendum, les îles d'Anjouan, de Mohéli et de la Grande-Comore optèrent pour l'indépendance à 95 %, alors que les habitants de Mayotte choisirent à plus de 60 % de rester des citoyens français. Le 6 juillet 1975, le président Ahmed Abdallah proclama à Moroni l'indépendance unilatérale des quatre îles formant ainsi l'État des Comores. Mais en février 1976, lors d'un référendum, la population de Mayotte se prononça avec une très large majorité (99 %) pour son maintien dans l'ensemble français avec le statut de collectivité spéciale qui lui fut accordé. La République fédérale islamique des Comores fut proclamée le 1er octobre 1978.

Quant aux Mahorais de l'île Mayotte, il semble bien qu'ils ne voulaient pas être soumis à un État comorien suspecté de vouloir les exploiter. Il faut dire que, à la suite de l'indépendance, les Comores connurent une succession de régimes et de coups d'État (dont le renversement du "père de l'indépendance", le président Ahmed Abdallah), dans lesquels des mercenaire français ont souvent joué un rôle essentiel. Sur la base de l'article 72 de la Constitution française, les habitants de Mayotte bénéficient maintenant du statut de collectivité territoriale et ils sont administrés par un préfet nommé par la République.

Une nouvelle loi adoptée le 22 décembre 1979 stipule que «l'île de Mayotte fait partie de la République française et ne peut cesser d'y appartenir sans le consentement de sa population». Néanmoins, la République islamique des Comores revendique le territoire de Mayotte. D'ailleurs, le statut de collectivité territoriale a été accordé à l'île de façon strictement provisoire. De plus, le 2 décembre 1982, l'ONU adoptait une résolution en faveur du retour de Mayotte aux Comores: 110 États votèrent pour la résolution, la France vota contre (une seule voix) et 22 États s'abstinrent. Les Mahorais devaient être consultés afin de redéfinir l'avenir constitutionnel de leur île. Dans le reste des Comores, malgré l'indépendance, la vie politique continue d'être très influencée par la France, quand ce n'est pas par l'Afrique du Sud.

Mais la France a hésité pendant plus de vingt-cinq ans à accorder un statut définitif à Mayotte, et ce, pour deux raisons. D'abord, parce que la départementalisation risque de coûter très cher à l'État, compte tenu du BNB qui se maintient bien en deçà de celui de la France. Le second obstacle est d'ordre juridique dans la mesure où il apparaît fort complexe de faire entrer dans le droit commun français une société de structure musulmane. N'oublions pas, par exemple, qu'à Mayotte l'état civil est géré par des cadis, des juges de paix musulmans souvent illettrés, que la polygamie est restée une pratique courante, que la loi restreint l'héritage des femmes à la moitié de celui dévolu aux hommes, que les noms de famille sont pratiquement inexistants, que le code civil est en arabe, etc. Dans ces conditions, la départementalisation définitive de Mayotte était perçue probablement comme un casse-tête politique et juridique. Et il y a toujours la résolution de l'Onu contre la position de la France! Un dossier politique chaud!

Néanmoins, en 1998, le gouvernement français a ouvert deux groupes de réflexion, l'un à Mayotte, l'autre à Paris, avec l'ensemble des représentants de la société mahoraise. Des ententes ont été conclues lors d’un accord signé à Paris, le 27 janvier 2000, par les trois partis politiques représentés au Conseil général de Mayotte (le Mouvement populaire mahorais, le Rassemblement pour la République et le Parti socialiste) et par le gouvernement français. Par la loi no 2000-391 du 9 mai 2000, «l'accord sur l'avenir de Mayotte» a été soumis, le 2 juillet 2000, à la consultation de la population. Les Mahorais ont massivement participé à cette consultation et se sont prononcés à 72,94 % en faveur du OUI. Ce résultat semble exprimer la volonté des Mahorais d'ancrer plus fermement leur avenir institutionnel dans la République française et leur attente d'un développement durable et solidaire.

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